(Anonyme 1997) Les Rêveries du toxicomane solitaire (éd. Allia) :
"Un toxicomane ne saurait conserver longtemps un cercle d'amis ou de connaissances. Le vide se fait autour de lui sans qu'il en pâtisse. Il reste incapable de voir là l'effet d'une déchéance objective, pour la raison que sa nouvelle vision du monde lui signale comme vaine la communication avec autrui. Seuls les contacts générés par son vice demeurent entretenus : dealers, médecins, pharmaciens. Il s'agit de relations de travail. Le junkie ne sait plus parler que drogue, moyen de s'en procurer, réactions du corps, vétilles telles une injection douloureuse ou un réapprovisionnement héroïque. Tout ramène à cet inépuisable sujet. N'est-ce pas la manière de caricaturer les conversations des gens sains, qui roulent aussi toutes sur des misères : l'argent, le travail, la fesse, les médias ? Il est des gens qui toute leur vie n'ont parlé à autrui que de l'état de la météo tout en s'imaginant entretenir les joies de la conversation. L'intoxiqué ne fait que porter à son comble cette plaie des temps modernes : la misère noire des rapports interindividuels entretenus par la main de fer de la domination. La météo du toxicomane, c'est l'héroïne."