Chaix d'Est-Ange, Avocats et magistrats, cité par Starobinski dans Chaire, barreau, tribune) :
"L'écrivain qui, dans une retraite paisible, élève librement son esprit vers les intérêts ou les rêves éternels de l'humanité, qui contemple sa pensée en silence, qui la polit, l'arrange et la compose à son gré, puis en creuse enfin l'image dans une forme lentement cherchée, a du côté de l'avenir de trop sensibles avantages. La distance, le lointain, n'enlèvent rien à sa gloire. Le temps même prête souvent à ces œuvres exquises de l'art un jour plus favorable et je ne sais quoi de plus achevé - Non, les orateurs ne sauraient disputer cette immortalité tranquille que le génie des lettres peut donner.
L'éloquence ne connaît ni la méditation ni le repos. C'est une puissance inquiète et troublée qui, dans la mêlée de nos passions et de nos affaires d'un jour, trace en courant des ébauches incorrectes et rapides. D'un mot inachevé, d'un geste involontaire, d'un cri, d'un regard, elle agite, éclaire, entraîne les esprits et les cœurs. Mais son pouvoir souverain n'a que la portée de la voix qui tombe, la durée de la parole qui s'enfuit. L'heure présente est son domaine, la vie est son empire ; et, quand l'orateur arrive devant la postérité, il s'y présente comme un roi détrôné, sans éclat, dépouillé de ses splendeurs fragiles, seul avec le vain bruit de sa renommée, et quelques pâles écrits qui sont les témoins impuissants de son génie."
L'auteur le dit, les orateurs pâlissent dans les mémoires ; voir donc :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Gustave_Louis_Chaix_d%27Est-Ange