lundi 1 juin 2020

Woolf + Valéry (calme)


Woolf, Mrs Dalloway, traduction S. David, p. 53 : 
« La paix entra en elle, la rendit calme, contente, tandis que l'aiguille, attirant doucement la soie jusqu'au bout de sa course paisible, rassemblait les plis verts et les attachait très légèrement à la ceinture. Ainsi, un jour d'été, les vagues se rassemblent, se soulèvent et retombent, se soulèvent et retombent, et le monde entier semble dire : "C'est tout", avec une force de plus en plus grande, si bien que même le cœur, dans le corps étendu au soleil sur la plage, dit aussi : "C'est tout." Ne crains plus, oh ! ne crains plus, dit le cœur qui remet son fardeau à la mer, une mer qui soupire innombrablement pour tous les chagrins, et qui recommence, se soulève et retombe. Et le corps resté seul écoute l'abeille qui passe, la vague qui se brise, le chien qui aboie au loin, au loin. »

« Quiet descended on her, calm, content, as her needle, drawing the silk smoothly to its gentle pause, collected the green folds together and attached them, very lightly, to the belt. So on a summer's day waves collect, overbalance, and fall ; collect and fall ; and the whole world seems to be saying 'that is all’, more and more ponderously, until even the heart in the body which lies in the sun on the beach says too, ‘that is all’. Fear no more, says the heart. Fear no more, says the heart, committing its burden to some sea, which sighs collectively for all sorrows, and renews, begins, collects, lets fall. And the body alone listens to the passing bee, the wave breaking, the dog barking, far away barking and barking. »

Valéry, Marine, in Mélange, Pléiade t. 1 p. 313 : 
"Sur le calme dormeur, plane la mer... Ecoute. Observe l'égalité du calme et l'équivalence des temps.
Ces lentes puissances te gagnent. Ton corps et tes membres sur le sable pèsent de leur poids inanimé. Tes regards touchent le zénith. Ta bouche demeure grande ouverte.
Tu appartiens tout entier à la présence de toutes choses, et tu deviens insensiblement étranger à ta mémoire, à tes amours, à tes énigmes, à toi-même.
La reprise monotone du roulement de la douce houle use et polit indéfiniment la bizarrerie de ton âme, comme sous l'onde s'use et se polit indéfiniment le marbre d'un galet."