Valéry, L'Âme et la danse Pléiade 2-173 :
« Ô mes amis, ne vous sentez-vous pas enivrés par saccades, et comme par des coups répétés de plus en plus fort, peu à peu rendus semblables à tous ces convives qui trépignent, et qui ne peuvent plus tenir silencieux et cachés leurs démons ? Moi-même, je me sens envahi de forces extraordinaires... Ou je sens qu’elles sortent de moi qui ne savais pas que je contenais ces vertus. Dans un monde sonore, résonnant et rebondissant, cette fête intense du corps devant nos âmes offre lumière et joie... Tout est plus solennel, tout est plus léger, tout est plus vif, plus fort ; tout est possible d’une autre manière ; tout peut recommencer indéfiniment... Rien ne résiste à l’alternance des fortes et des faibles... Battez, battez !... La matière frappée et battue, et heurtée, en cadence ; la terre bien frappée ; les peaux et les cordes bien tendues, bien frappées ; les paumes des mains, les talons, bien frappant et battant le temps, forgeant joie et folie ; et toutes choses en délire bien rythmé, règnent.
Mais la joie croissante et rebondissante tend à déborder toute mesure, ébranle à coups de bélier les murs qui sont entre les êtres. Hommes et femmes en cadence mènent le chant jusqu’au tumulte. Tout le monde frappe et chante à la fois, et quelque chose grandit et s’élève... J’entends le fracas de toutes les armes étincelantes de la vie !... Les cymbales écrasent à nos oreilles toute voix des secrètes pensées. Elles sont bruyantes comme des baisers de lèvres d’airain... »
cf. Vargas Llosa :