Kundera, La vie est ailleurs, traduction Kérel revue par l’auteur, Folio p. 151 :
« Bien sûr, lui dit le peintre, un jour qu'ils avaient abordé ce thème. Tu crois peut-être qu'une image fantastique que tu as mise dans ton poème est le résultat d'un raisonnement ? Pas du tout : elle t'est tombée dessus ; d'un seul coup ; sans que tu t'y attendes ; l'auteur de cette image, ce n'est pas toi, mais plutôt quelqu'un en toi, quelqu'un qui écrit ton poème en toi. Et ce quelqu'un qui écrit ton poème, c'est le flux tout-puissant de l'inconscient qui passe par chacun de nous ; ce n'est pas ton mérite si ce courant dans lequel nous sommes tous égaux a choisi de faire de toi son violon. »
Dans l'esprit du peintre, ces paroles étaient une leçon de modestie, mais Jaromil y trouva aussitôt une étincelle pour son orgueil ; soit, ce n'était pas lui qui avait créé les images de son poème ; mais c'était quelque chose de mystérieux qui avait justement choisi sa main de scripteur ; il pouvait donc s'enorgueillir de quelque chose de plus grand que le mérite ; il pouvait s'enorgueillir de sa qualité d'élu. »