Anouilh, La Répétition coll. ‘Petite Vermillon’ p. 32-36 :
« Le naturel, le vrai, celui du théâtre, est la chose la moins naturelle du monde [...]. N'allez pas croire qu'il suffit de retrouver le ton de la vie. D'abord dans la vie le texte est toujours si mauvais ! Nous vivons dans un monde qui a complètement perdu l'usage du point-virgule, nous parlons tous par phrases inachevées, avec trois petits points sous-entendus, parce que nous ne trouvons jamais le mot juste. Et puis le naturel de la conversation, que les comédiens prétendent retrouver : ces balbutiements, ces hoquets, ces hésitations, ces bavures, ce n'est vraiment pas la peine de réunir cinq ou six cents personnes dans une salle et de leur demander de l'argent pour leur en donner le spectacle. Ils adorent cela, je le sais, ils s'y reconnaissent. Il n'empêche qu'il faut écrire et jouer la comédie mieux qu'eux. C'est joli la vie, mais cela n'a pas de forme. L'art a pour objet de lui en donner une précisément et de faire, par tous les artifices possibles - plus vrai que le vrai. »
« Une pièce se joue avec des acteurs et l'un de ces acteurs, qu'on le veuille ou non, c'est le public. [...] Le public est si rare au théâtre qu'on ne songe, hélas ! qu'à lui demander d'avoir le talent de prendre le métro et de venir.
Nous sommes impitoyables pour la pièce, pour les comédiens, pour les décors, les éclairages, mais nous acceptons que le premier imbécile venu s'impose à nous pour quarante francs et compromette toute la partie. »
« La vraie vie c'est de la bouillie de chat, c'est pour ça que le réalisme n'a jamais rien produit d' essentiel. »