Revel (Jean-François), La Connaissance inutile chap. "L'échec de la culture" :
"On s'étonne d'ailleurs de voir alors combien de réfugiés politiques européens, parmi les intellectuels chassés du Vieux Continent par les totalitarismes, réfugiés qui, en somme, ne devaient leur survie qu'à l'existence et à l'accueil des États-Unis, ont pris, pendant la guerre froide et la première « offensive de paix » de Moscou, en 1949, des positions pro-soviétiques et antiaméricaines. Thomas Mann fut, en ces années, un autre célébrant de cette édifiante et inédite forme d'hommage reconnaissant à la démocratie qui l'avait sauvé. Le grand malheur du xxe siècle, ce sera d'avoir été celui où l'idéal de la liberté aura été mis au service de la tyrannie, l'idéal de l'égalité au service des privilèges, toutes les aspirations, toutes les forces sociales comprises à l'origine sous le vocable de « gauche » embrigadées au service de l'appauvrissement et de l'asservissement. Cette immense imposture a falsifié tout le siècle, en partie par la faute de quelques-uns de ses plus grands intellectuels. Elle a corrompu jusque dans les moindres détails le langage et l'action politiques, inversé le sens de la morale et intronisé le mensonge au centre de la pensée."