Ramuz, Les Circonstances de la vie, chap. V :
"D’ordinaire, dans ces morceaux, le plus grand bruit est au commencement et à la fin ; un accord de tous les instruments à la fois, en fortissimo, qui fait sursauter sur les bancs ; suit un solo, une succession agréable de nuances, où tous les mouvements du cœur sont peints ou figurés. La colère ou la grande passion de l’amour ont de l’impétuosité ; la tristesse est repliée dans les notes basses qui traînent ; c’est la mélancolie qu’on confie à la clarinette ; la tendresse s’exprime pianissimo ; la gaieté, par un pas redoublé, la joie par un air de danse ; le mouvement d’une part, de l’autre le son, la rapidité, tout sert à se faire comprendre, c’est une traduction. Quelquefois aussi on représente le monde extérieur ; on entend le vent dans les arbres, son long bruit et son sifflement ; ou l’orage annoncé par la grosse caisse qui est le tonnerre au lointain ; il se rapproche, la grosse caisse bat plus fort ; un roulement ; l’ouragan mugit, la grêle tombe : les cymbales éclatent comme des éclairs ; et il semble qu’on voit tout parce que l’oreille fait travailler l’œil en imagination."