Drillon, Cadence, § 'Jamais je n’ai voulu être un autre' :
"Les modernes font mine d’ignorer qu’ils vont mourir, les sots. Il jugent l’homme capable de s’amender, les naïfs. Ils pensent que la démocratie est bonne, les crapules ! Qui les pousse à tout cela, qui gouverne le monde ? Le diable, probablement, répondra Robert Bresson, l’antimodernisme personnifié. Cette infamie met Flaubert en rage. Il a le « dégoût de l’infection moderne », et serait indigné de voir qu’on étudie Madame Bovary dans les écoles de la République, et qu’on vend Villon, et Dante, et Ponge, et Proust, et Claudel, et Nietzsche, dans les supermarchés de nos villes. Il est vrai que l’antimoderne est de droite – mais il ne le reste pas : il abandonne la droite à sa médiocrité. Il joue l’individu contre la populace, mais aussi contre l’individualisme obtus du banquier. Il place la liberté au-dessus de l’égalité. Dans son livre sur les antimodernes, Antoine Compagnon cite ce passage de Chateaubriand : « Les Français n’aiment point la liberté ; l’égalité seule est leur idole. Or l’égalité et le despotisme ont des liaisons secrètes. » Suivez son regard, qui nous considère d’outre-tombe. L’antimoderne est un exilé de l’intérieur, plus révolutionnaire que la Révolution. Il est atroce qu’elle triomphe ; il est pis encore qu’elle échoue. Voyez où elle nous a menés, fait-il remarquer, triomphant : à Louis Napoléon ! Le moderne a plusieurs visages, mais il reste lui-même ; l’antimoderne, lui, est contradictoire et déchiré. Chez lui, l’angoisse le dispute à l’ennui, comme la fureur au scepticisme. Il n’est jamais là où on l’attend, ni là où il devrait : ses ailes de géant l’empêchent de marcher."