Romains, Les Hommes de bonne volonté, Eros de Paris chap. XXII, Bouquins t. 1 p. 640 :
'Strigelius [= Valéry] développe un parallèle qui lui tient à cœur entre l'imagination poétique et la cinétique des gaz. Il prétend que dans la cervelle du poète les idées élémentaires dansent, s'entre-choquent et rebondissent d'une manière aussi fortuite que les molécules dans le récipient que décrit Maxwell, et que le rôle de l'esprit, comme celui du petit démon de Maxwell, consiste tout simplement à ouvrir ou à fermer la trappe devant les idées qui se présentent par hasard. Donc le génie lui-même se réduit à une fonction de guet et de choix. Le génie n'est qu'une vigilance critique. Et l'inspiration, tout au plus une certaine température qui augmente l'agitation à l'intérieur du récipient. Mais Strigelius parle moins clairement qu'il ne pense. Il a un débit rapide et saccadé. De plus il évoque des notions qui ne sont pas familières à ceux qui l'écoutent. On le tient pour un esprit fumeux, voué à certaines marottes. Et aussi pour un impuissant. A trente-cinq ans, il n'a presque rien produit. S'il s'acharne à rabaisser le génie, c'est par dépit de n'en point avoir."