jeudi 27 juin 2024

Romains (caserne)

Romains, La vie unanime § La Caserne : 


"Oh ! Partir. Les soldats trépignent pour partir.

Leur espoir, se dressant sur la pointe des pieds,

Tâche d'apercevoir l'heure miraculeuse

Où la contrainte sera fauchée.

Et les mains, rudement, soupèsent l'avenir,

Palpent les mois, comptent les jours. Sur les cloisons

Elles gravent le nombre en chiffres frémissants.

Par tous ses hommes la caserne veut mourir.

Cette mort-là serait douce comme l'eau pure.

Se dissoudre soi-même ; être pulvérisée

Et lancée en débris par la haine de soi,

Sans qu'un seul élément pleure l'unité morte.

Sans qu'un individu se cramponne à la joie

De vivre chaudement au rythme de l'ensemble,

Et sans que l'unité pleure sa conscience ;

La belle mort !

Il y a des fusils debout aux râteliers,

Il y en a dans les sous-sols, dans les greniers.

Voilà ce qui pullule et ce qui germe en elle ;

La voilà la semence ! Elle connaît son sexe ;

Elle est féconde. Elle a de quoi créer, portant

Comme un ovaire lourd qui palpite et qui s'enfle,

Des morts futures par milliers après son ventre."