Canetti, Les Voix de Marrakech [1967] trad. Ponthier [1980] Livre de Poche p. 11-12 :
"[…] Je distinguai dans l'ombre une nombreuse caravane de méhara. La plupart étaient baraqués, d'autres étaient encore debout. Des hommes enturbannés allaient et venaient parmi eux, affairés mais cependant tranquilles. C'était une image de paix dans le crépuscule. La couleur des chameaux se confondait avec celle de la muraille.
Nous descendîmes de voiture et nous nous mêlames aux animaux. Une bonne douzaine d'entre eux étaient baraqués en cercle autour d'une montagne de fourrage. Ils allongeaient le cou, attiraient le foin dans leur bouche puis, rejetant la tête en arrière, ils le mâchaient paisiblement. Nous les examinions attentivement, et voilà que nous leur découvrions des visages. Ils se ressemblaaient tous, mais ils étaient néanmoins tous extrêmement différents. Ils rappelaient une assemblée de très dignes vieilles dames anglaises en train de prendre le thé, s'ennuyant ferme mais avec tout de même, au coin de l'œil, une lueur de méchanceté mal dissimulée.
'On dirait vraiment ma tante', dit mon ami anglais auquel j'avais, avec tact, fait remarquer l'analogie avec ses compatriotes et nous retrouvâmes bientôt d'autres connaissances."