Céline, à Jean Thomas, juillet 1921, in Lettres, Pléiade p. 252 :
"L'idée fixe domine le névropathe – surtout l'intellectuel. La pensée est un poison – L'analyse personnelle, toujours stérile, est nocive – Il faut cesser de se penser, et de se repenser sans cesse. Il faut vivre, vivre simplement. Le bonheur est inconscient, c'est pour avoir essayé d'introduire l'intelligence dans ce domaine qu'on devient neurasthénique. Croyez-moi. Laissez au corps le soin de veiller sur lui-même, ne l'affaiblissez pas par des analyses de phénomènes incompréhensibles par essence. La vie est plus simple qu'on ne croit. Elle consiste à jouir simplement. Tout ce qu'on essaye de légaliser dans ce sens est faux et malsain. Subir simplement l'entraînement des instincts primitifs est la meilleure thérapeutique nerveuse. Mais nous en sommes arrivés à raisonner le sommeil, la faim, l'amour, les sens, toutes autant d'activités que nous ne devons point comprendre. Alors l'instinct, traqué par la pensée (ambitieuse mais ridicule) se retire, s'affaiblit et nous avons une grave faillite animale.
[…] Ne pensez pas – vous avez une plaie dans le cerveau, ne la grattez pas avec vos raisons malhabiles. […] Il faut détruire l'autoanalyse. […] Notre activité doit être inconsciente pour être heureuse. […] Il y a un malentendu constant entre le névropathe et sa guérison, c'est l'idée fixe."