Gracq (interview) :
[Question : Vous dites que cela a tué pour vous tout un magma de souvenirs…]
Oui. C'est le fait qu'une fiction, pas un essai, mais une fiction, pour moi, assèche une partie de la mémoire, ou en tout cas la stérilise. C'est un fait que je connais très bien pour la guerre de 39-40. C'est une guerre qui a été extrêmement vivante pour moi, mais qui l'est devenue beaucoup moins depuis que j'ai écrit ce livre. Je l'ai déchargée de son urgence, de sa force de choc. C'est le fait de l'expression, qui décharge les souvenirs de leur force. Si bien que j'ai le sentiment qu'un écrivain n'est pas inépuisable, et chaque livre qu'il tire de lui assèche toute une région de souvenirs, d'images, qui existent, mais qui sont stérilisées parce qu'elles ont trouvé une expression, et qu'elles n'en demandent pas d'autres."