Amiel par Robert de Traz : Revue de Paris. septembre 1921 :
"Un admirable génie de prostitution :
Ainsi ce digne monsieur en jaquette noire et toujours ganté de Suède, qui, après avoir charmé un groupe de dames en faisant des tours d'adresse et en citant du Joubert, s'échappant dans le jardin de ses cousines pour jouer avec le gros chien ou regarder le clair de lune, n'était pas seulement courtois et cultivé : il communiquait avec l'univers. Alors que les autres hommes, emprisonnés, ont une peine extrême à comprendre ce qui se passe en dehors d'eux, il concevait avec beaucoup d'aisance et de vivacité ce qu'est la vie d'un Russe ou d'un ltalien, d'un arbre ou d'une hirondelle, d'un caillou ou d'une étoile. D'un coup d'œil il considérait la face extérieure des choses, puis il plongeait à l'intérieur pour les connaître du dedans : il devenait ces choses elles-mêmes. Amiel est un être à transformations ; il s'escamote et reparaît ailleurs. Cette puissance étrange de métamorphose, qui est sa faculté maîtresse et de plus en plus absorbante, lui a fait, à l'abri d'une existence monotone et réglée, courir des aventures d'une fantaisie transcendante. Chez cet homme si réellement vertueux, timide et poli, on découvre, transposé sur le plan intellectuel et imaginatif, un effrayant, un admirable génie de prostitution."