Dutourd, Les Taxis de la Marne (1956) chap. XVIII, Folio pp. 47-48 :
[pendant la débâcle de juin 40] "On voyait des fusils dans les fossés : il suffirait d'en ramasser un et, de mon créneau, tirer jusqu'à l'épuisement des cartouches (1). Mais une voix insidieuse montait de mon cœur ; elle murmurait que je devais rester en vie ; que j'avais une œuvre inestimable à accomplir ; que je connaissais une petite chanson que nul ne pourrait chanter à ma place. Je sais bien que cette attitude prête à sourire, que rien n'est suspect comme cette sollicitude envers soi-même, et ce grand prix attaché à sa propre conservation, mais tant pis, c'est ma vérité. [...] Ce sentiment n'avait rien d'une excuse à la poltronnerie : c'était une conviction profonde, je dirais organique."
(1) Ce que je n'ai pas fait, un autre artiste l'a fait, pourtant : le musicien Jehan Alain qui, le 20 juin 1940, près de Saumur, se battit seul, avec son fusil mitrailleur, contre une compagnie allemande. Il a été tué après avoir abattu seize hommes. L'ennemi lui a rendu les honneurs militaires. cf. Bernard Gavoty : Jehan Alain, musicien français.