Michaux, Un Barbare en Asie (chapitre 'Un barbare au Japon') :
"Le Japon a la manie de nettoyer.
Or, un lavage, comme une guerre, a quelque chose de puéril, parce qu'il faut recommencer après quelque temps.
Mais le Japonais aime l'eau, et le « Samouraï », l'honneur, et la vengeance. Le « Samouraï » lave dans le sang. Le Japonais lave même le ciel. Dans quel tableau japonais avez-vous vu un ciel sale ? Et pourtant !
Il ratisse aussi les vagues.
Un éther pur et glacé règne entre les objets qu'il dessine ; son extraordinaire pureté est arrivée à faire croire merveilleusement clair leur pays où il pleut énormément.
Plus claires seraient encore si c'est possible leur musique, leurs voix de jeunes filles, pointues et déchirantes, sorte d'aiguilles à tricoter dans l'espace musical.
Comme c'est loin de nos orchestres à vagues de fond, où dernièrement est apparu ce noceur sentimental appelé saxophone.
Ce qui me glaçait tellement au théâtre japonais, c'était encore ce vide, qu'on aime pour finir et qui fait mal d'abord, qui est autoritaire, et les personnages immobiles, situés aux deux extrémités de la scène, gueulant et se déchargeant alternativement, avec une tension proprement effroyable, sorte de bouteilles de Leyde vivantes."