Stasiuk, Mon Bourricot trad. Ch. Zaremba :
"J’aime ce bruit, même quand il me réveille. Ce cliquetis dur, métallique. Comme si là-dedans, il n’y avait ni compression ni détente, comme s’il n’y avait pas ce prodige de l’explosion contrôlée qui écarte des surfaces métalliques, les éloigne et les rapproche deux mille fois par minute. Comme si les pistons cognaient comme des sauvages contre les valves et la culasse, dépourvus de la médiation éthérée d’un mélange en feu. Ce bruit, à l’aube. Comme une hyperbatteuse. Et dès que ça tourne un peu mieux, que ça s’est graissé à l’intérieur et a chauffé, le bruit s’atténue. Les gars donnent alors un ou deux coups d’accélérateur, et on entend ce gargouillis souterrain, tectonique. Comme si une bête chtonienne se réveillait. Se dressait sur ses pattes, secouait de son échine la terre, le sable, les éboulis, et se mettait en route. Irrésistiblement. Voilà ce qu’est le diesel. On ne saurait le comparer à la légèreté frivole du moteur à essence."
Un texte par jour, ou presque, proposé par Michel PHILIPPON (littérature, philosophie, arts, etc.).