Fénéon, Les Ventres [1883] chap. IV :
"Le diapason du tapage avait trouvé moyen de s’élever encore. Les danseurs devenaient des saint Guy. On buvait maintenant à même les tonneaux ; les bouteilles n’étaient plus que des projectiles. Sur quelques points éclataient des rixes acharnées, et tandis que les uns se rouaient de coups et se mangeaient le nez, les autres, plus experts aux choses de la nutrition, préféraient manger jusqu’à étouffement définitif jambons, fromages, oies, quartiers de bœuf, riz au lait caramellé, harengs saurs, purée de châtaignes, amoncelant dans leurs estomacs transformés en magasins de provisions les victuailles les plus disparates. C’était tout à fait pastoral.
Le quartier général de cette orgie de bon goût était le cabaret de M. Monmarançon-Balégné. On y étouffait dans une atmosphère où se mariaient civilement les senteurs bocagères des brûle-gueules, du trois-six, de la graisse brûlée ainsi que d’autres émanations charmeresses de nerfs olfactifs. La cour de l’auberge était remplie de gens qui n’avaient pu trouver place à l’intérieur. Installés devant des tables improvisées, goulûment ils bâfraient. Dans la chaudière-estomac les viandes et les vins sont de bons combustibles. Aussi ne souffraient-ils pas du froid qui cependant était vif."