lundi 26 avril 2021

Valéry (eau)

 Valéry, Louanges de l'eau*, 1935, Pléiade t. 1 p. 202 : 

"Plus d’un chanta le vin.

Innombrables sont les poètes qui ont, jusqu’au lyrisme, élevé leur ivresse et tendu vers les dieux la coupe de vin fort que leur âme attendait.

Le vin très précieux mérite ces louanges. Mais quelle ingratitude et quelle grande erreur chez ceux qui blasphémèrent l'eau !…

Divine lucidité, Roche transparente, merveilleux Agent de vie, eau universelle, je t’offrirais volontiers l’hommage de litanies infinies.

Je dirai l'eau tranquille, luxe suprême des sites, où elle tend des nappes de calme absolu, sur le plan pur desquelles toutes choses mirées paraissent plus parfaites qu’elles-mêmes. Là, toute la nature se fait Narcisse, et s’aime…

L'eau mouvante, qui par douceur et violence, par suintements et par usure prodigieusement lente, par son poids comme par courants et tourbillons effrénés, par brumes et par pluies, par ruisseaux, par cascades et cataractes, façonne le roc, polit le granit, use le marbre, arrondit le galet indéfiniment, berce et dispose en molles traînes et en douces plages tout le sable qu’elle crée. Elle travaille et diversifie, sculpte et décore la figure morne et brutale du sol dur.

L'eau multiforme habite les nuées et comble les abîmes ; elle se pose en neige sur les cimes au soleil, d’où pure elle s’écoule ; et suivant des chemins qu’elle sait, aveugle et sûre de son étrange certitude, descend invinciblement vers la mer, sa plus grande quantité."


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