Mann (Thomas), La Montagne magique t. 2, VII :
traduction Betz (1924)
"Nous avons l’obligation religieuse de sentir. Notre sensibilité, comprenez-vous, est la force virile qui éveille la vie. La vie somnole. Elle veut être éveillée pour les noces ivres avec le sentiment divin. Car le sentiment, jeune homme, est divin. L’homme est divin dans la mesure où il est sensible. Il est la sensibilité de Dieu. Dieu l’a créé pour sentir à travers lui. L’homme n’est rien que l’organe par lequel Dieu accomplit ses noces avec la vie réveillée et enivrée. S’il manque à la sensibilité, il manque à Dieu, c’est la défaite de la force virile de Dieu, c’est une catastrophe cosmique, une terreur inimaginable… »
traduction Oliveira (2016)
« ... d’où les devoirs, les devoirs religieux que nous avons à l’égard des sentiments. Notre sentiment, comprenez-vous, c’est la force virile qui éveille la vie. La vie sommeille, elle veut être réveillée pour fêter des noces ivres avec le sentiment divin. Car le sentiment, jeune homme, est divin. L’homme est divin dans la mesure où il ressent. L’homme est le sentiment de Dieu. Si Dieu l’a créé, c’est pour ressentir par procuration. L’homme n’est que l’organe permettant à Dieu de célébrer son union avec la vie éveillée, enivrée. Tout fiasco fait affront à Dieu, c’est la défaite de la puissance virile de Dieu, une catastrophe cosmique, d’une horreur inconcevable… »
Das labt«, sagte er. »Sie trinken nicht mehr ? Dann erlauben Sie, daß ich mir noch einmal -« Er verschüttete etwas Wein beim abermaligen Einschenken. Das Einschlaglaken seiner Dekke war dunkelrot befleckt. »Ich wiederhole«, sagte er mit erhobener Fingerlanze, während in seiner anderen Hand das Wein- glas zitterte, »ich wiederhole: daher unsere Verpflichtung, unsere religiöse Verpflichtung zum Gefühl. Unser Gefühl, verstehen Sie, ist die Manneskraft, die das Leben weckt. Das Leben schlummert. Es will geweckt sein zur trunkenen Hochzeit mit dem göttlichen Gefühl. Denn das Gefühl, junger Mann, ist göttlich. Der Mensch ist göttlich, sofern er fühlt. Er ist das Gefühl Gottes. Gott schuf ihn, um durch ihn zu fühlen. Der Mensch ist nichts als das Organ, durch das Gott seine Hochzeit mit dem erweckten und berauschten Leben vollzieht. Versagt er im Gefühl, so bricht Gottesschande herein, es ist die Niederlage von Gottes Manneskraft, eine kosmische Katastrophe, ein unausdenkbares Entsetze.