Suarès, cité par François Crouzet (Contre René Char, Belles-Lettres 1992) :
« Il est le poète à l'état pur, comme le minéral le plus précieux en pépites. Mais la statue d'or, l'oeuvre, n'est jamais faite ; et un monceau de pépites les unes sur les autres ne font pas une Victoire Aptère ni une figure du Parthénon... Avant tout Rimbaud vit par les yeux. Il saisit moins la forme que les contrastes de la lumière et de l'ombre ; d'ailleurs les ombres mêmes s'allument dans sa vision ; dans Rimbaud, la ligne même, tout est couleurs. Son âme est en proie aux couleurs. Son génie est le damné de la sensation... Il est tout sensations, et il veut qu'on soit tout sensations avec lui. Il semble l'homme qui a le moins douté du monde réel, de la nature et des apparences changeantes... Rimbaud est un polypier d'images et de sensations. Il est le miroir des phénomènes. Il est ce qu'ils sont. Ils sont tout ce qu'il est... Il use des mots comme le peintre des tons. Il va par tons purs. De là cette ellipse perpétuelle. La pensée, pour la plupart des gens, s'y perd : elle ne retrouve plus son lien logique. Elle le cherche, et a tort de le chercher. Chaque phrase, chaque mot même est une espèce de proposition faite par le regard à la sensation. »