mercredi 9 octobre 2019

Céline (1914)

Célinelettre à ses parents, Argonne septembre 1914
10 septembre : 
« La lutte s'engage formidable, jamais je n'ai vu et verrai tant d'horreur, nous nous promenons le long de ce spectacle presque inconscients par l'habitude du danger et surtout par la fatigue écrasante que nous subissons depuis un mois. Il se fait avant* la conscience une espèce de voile. Nous dormons à peine trois heures par nuit et marchons plutôt comme des automates mus par la volonté instinctive de vaincre ou de mourir.  
Pas de nouveau sur le champ de bataille. Presque sur la même ligne de feu depuis 3 jours. Les morts sont remplacés continuellement par les vivants à tel point qu'ils forment des monticules que l'on brûle et qu'à certains endroits on peut traverser la Meuse à pied ferme sur les corps allemands de ceux qui tentèrent de passer** et que notre artillerie engloutit sans se lasser.. La bataille laisse l’impression d’une vaste fournaise où s’engloutissent les forces vives de deux nations et où la moins fourbue des deux restera la maîtresse…»  
17 septembre : 
« … la traversée de la Meuse […] est le spectacle le plus horrible que j'aie jamais contemplé. Dans la nuit j'ai vu des pontonniers allemands reconstruire 15 fois le même pont qu'engloutissait systématiquement notre artillerie. Je crois qu'une grande bataille est imminente où le sang ne sera pas marchandé. »

*écriture peu lisible : devant ?


**contesté par l’Historique du régiment