jeudi 10 octobre 2019

Greene (incipit)


Greene, La Fin d’une liaison, incipit [trad. Sibon] : 
« Une histoire n’a ni commencement, ni fin. Nous choisissons arbitrairement un point de notre expérience et, partant de ce point, nous regardons en arrière ou en avant. Je dis : « nous choisissons » avec cet orgueil erroné de l’écrivain de métier qui – dans les rares occasions où il fut vraiment pris au sérieux – se vit complimenter pour son habileté technique ; mais, à vrai dire, est-ce bien de ma propre volonté que je « choisis » cette soirée sombre et mouillée de janvier 1946 et le moment où, sur les Allées, je vis Henry Miles traverser en biais le large fleuve de l’averse ; et ces images ne m’ont-elles pas plutôt choisi ? Il est commode, il est correct, pour respecter les règles de mon métier, de commencer exactement là, mais si, à cette époque, j’avais cru en un Dieu, n’aurais-je pas pu croire aussi qu’une main m’avait touché le coude et qu’une voix avait murmuré à mon oreille : « Parle-lui. Il ne t’a pas encore aperçu. »
« A story has no beginning or end : arbitrarily one chooses that moment of experience from which to look back or from which to look ahead. I say 'one chooses' with the inaccurate pride of a professional writer who - when he has been seriously noted at all - has been praised for his technical ability, but do I in fact of my own will choose that black wet January night on the Common, in 1946, the sight of Henry Miles slanting across the wide river of rain, or did these images choose me ? It is convenient, it is correct according to the rules of my craft to begin just there, but if I had believed then in a God, I could also have believed in a hand, plucking at my elbow, a suggestion, 'Speak to him : he hasn't seen you yet’. »