lundi 23 décembre 2024

Meckert (bonheur)

Meckert, Les Coups chap. VIII :

"[…] C'était bien dégagé, on avait de l'air et du soleil.

Ça me faisait une fameuse différence avec ma vieille chambre de la Villette. C'était comme un indice. La vie qui allait marcher enfin. Quelque chose d'à peu près régulier. Tout reprenait.

C'était clair, à l'intérieur, propre, tout neuf. Avec nos meubles qu'on venait de nous livrer, des meubles à nous, qui n'avaient jamais servi. Ça c'était du nouveau pour moi.

À bien y repenser, j'ai peut-être connu le vrai bonheur à ce moment-là, à ne penser à rien, qu'à vivre seulement avec une petite bonne femme appétissante. Chaque fois maintenant que je veux trouver du frais et du bonheur dans mes souvenirs, c'est à ça que je m'arrête, à ce moment-là, bien égoïste, quand on était deux à emmerder tout le monde.

Tout ça ne se raconte pas. Pas de souffrance, pas d'histoire, pas d'art, pas de civilisation, ni rien du tout. On connaît ça.

C'est toujours un peu obscène le bonheur, si on veut bien chercher.

Un contentement parfait, en surface comme en profondeur, bien bouffer, bien jouir, en spasmes ou en prières, c'est ça la base. Tout le reste devient de la vaste blague et du paravent. D'abord s'enfermer dans un fameux égoïsme, voilà le bonheur. C'est pas que ce soit joli, mais c'est reposant."