Helton (J. R.), Au Texas tu serais déjà mort, § "Man and Beast", trad. N. Richard :
"Comme la plupart des Américains, j’aimais « l’idée » de la campagne, le paysage, le décor, la population clairsemée, mais la réalité de la nature n’était rien d’autre qu’un formidable bazar, un amas de vie grouillante, chaque être vivant mangeant, piquant, déchiquetant et faisant chier tous les autres. Quelle que fût la période de l’année, il y avait toujours une espèce animale qui se faisait inévitablement remarquer au ranch : une invasion de sauterelles se jetant sur toutes les plantes et la moindre feuille d’herbe, dévorant tout ; en octobre, une épidémie de mouches qui se posaient sur les tas d’excréments canins puis venaient recouvrir ma tartine, ma tasse de café, emplissaient ma bouteille de bière ouverte ; les grillons comme des lemmings qui se précipitaient en masse dans la grange pour y mourir avant l’arrivée du grand vent glacial du nord ; les fourmis rouges, partout, qui tapissaient les collines rouges ferrugineuses sur lesquelles nous étions installés, s’infiltrant dans chaque centimètre carré de sol[…]. La nature était un animal importun avec qui je ne voulais plus avoir affaire. Je rêvais d’une petite chambre climatisée avec une télé, un magnétoscope, Internet, mon fax et un ordinateur, complètement isolé des chiens et du monde, où personne ne viendrait m’embêter et où j’aurais juste le loisir d’ouvrir la porte de temps en temps pour apprécier le décor à bonne distance."
[selon la préface de R. Crumb, nombre de textes de cet auteur, dont celui d'où est tiré l'extrait ci-dessus, n'a pas été publié dans sa langue d'origine…]