Helton (J. R.), Au Texas tu serais déjà mort § "Man and Beast", trad. N. Richard :
"Elle avait un petit teckel déguisé en Elvis Presley avec des lunettes de soleil fixées à sa tête avec du sparadrap et un costume blanc d’Elvis qu’elle avait fait elle-même. Elle avait déguisé l’autre teckel en beauté du Sud, coiffée d’un bonnet. Elle m’a présenté à Elvis et Daisy Mae, ou je ne sais plus de quel nom elle l’avait affublée, et m’a parlé le plus sérieusement du monde de leurs costumes, de ce qu’ils aimaient, de ce qu’ils n’aimaient pas, et j’ai hoché la tête poliment, faisant totalement abstraction de ce qu’elle me racontait. Elle était la Parade des animaux domestiques à elle toute seule et je n’avais qu’une envie, qu’elle fiche le camp : le simple fait de me retrouver dans la même petite rue que cette bonne femme me fichait la honte. J’avais honte pour ses chiens, comme j’ai honte pour tout animal que les gens affublent de costumes grotesques. Étant petit, je n’ai jamais aimé le cirque pour cette même raison. Je trouvais ça humiliant, pour un ours, d’être déguisé en humain et obligé de se donner en spectacle avec un ballon sur le nez. Non mais, qu’est-ce qui leur passait par la tête, à ces gens ? Voilà que cet animal, dont l’élément naturel est la montagne, les grands pins, le froid ciel bleu, cet animal qui attrape les poissons dans les torrents, et déchiquete d’un vigoureux coup de patte tous les joyeux campeurs osant s’aventurer sur son territoire se faisait embarquer, mettre en cage, et qu’on lui apprenait à faire l’équilibre sur une chaise ! Je n’avais jamais voulu d’un chien qui se donne en spectacle. À quoi rimaient toutes ces conneries ? Se retourner, donner la patte, serrer la main. Les seuls tours que je voulais que mes chiens apprennent c’était ne pas me sauter dessus et ne pas ficher le camp."
[selon la préface de R. Crumb, nombre de textes de cet auteur, dont celui d'où est tiré l'extrait ci-dessus, n'a pas été publié dans sa langue d'origine…]