vendredi 25 août 2023

Goncourt (paysanne)

Goncourt, Journal, sept. 1862, éd. Cabanès t. 3 p. 380 : 

"C’est prodigieux comme Millet a saisi le galbe de la femme de labeur et de fatigue, courbée sur la glèbe. Il a trouvé un dessin carré, un contour fruste qui rend ce corps-paquet, où il n’y a plus rien des rondeurs provocantes de la forme féminine, ce corps que le travail et la misère ont aplati comme avec un rouleau, n’y laissant ni gorge ni hanches, et qui ont fait de cette femme un ouvrier sans sexe, habillé d’un casaquin et d’une jupe, dont les couleurs ne semblent que la déteinte des deux éléments entre lesquels ce corps vit, – en haut bleu comme le ciel, en bas brun comme la terre."     


Goncourt, Manette Salomon LXXXIII (fin) : 

"Souvent Grescent jetait une scène, quelque scène champêtre, les semailles, la moisson, la récolte, – un de ces travaux nourriciers de l'homme dont il essayait d'indiquer la grandeur et l'antique sainteté avec l'austère simplicité des poses, avec la rondeur d'une ligne rudimentaire, l'espèce de style fruste d'une humanité primitive, faisant de la paysanne, de la femme de labour, courbée sur la glèbe, de ce corps où le labeur du champ a tué la femme, la silhouette plate et rigide habillée comme de la déteinte des deux éléments où elle vit : - du brun de la terre, du bleu du ciel."