jeudi 20 juillet 2023

Goncourt + Céline + Queneau + Nabokov (adolescentes)

Goncourt Journal 1 p. 768, 6 fév 1862 : 

"Dans le faubourg Saint-Jacques, tout à coup une petite fille des yeux ! des yeux qui ont passé comme une lumière et comme une chaleur. Un miracle, une beauté, une aube ! Imaginez quelque chose d'angéliquement irritant, d'effrontément ingénu. Celle-ci, et puis une autre que j'ai vue à Baïes, du même âge, dansant une tarentelle dans un débris de temple antique, ce sont deux de ces figures qui restent en vous. La femme n'a pas ce charme vainqueur de la petite fille, lorsque la petite fille est pareillement adorable. Âge d'ange de la femme, que cet âge de demi-enfance où le sourire est une fleur, le sang une rose, l'oeil une étoile du matin."


Céline, Voyage au bout de la nuit p. 190 :

"J’aurais cependant pu en rester là, indéfiniment tranquille, bien nourri à la popote de la station, et d’autant mieux que la fille du major Mischief, je le note encore, glorieuse dans sa quinzième année, venait après cinq heures jouer du tennis, vêtue de jupes extrêmement courtes devant la fenêtre de notre bureau. En fait de jambes j’ai rarement vu mieux, encore un peu masculines et cependant déjà plus délicates, une beauté de chair en éclosion. Une véritable provocation au bonheur, à crier de joie en promesses."


Queneau, Un Rude hiver p. 30 : 

"La petite fille était égale à son souvenir. Cet éclair qui l'avait transpercé, il le retrouvait incarné dans cette chair, si délicate qu'il s'étonnait qu'elle pût supporter une telle intensité de grâce. Cet éclair n'avait engendré en lui que ténèbres. Sa nuit s'illuminait maintenant de cette flamme retrouvée, de la flamme menue mais étincelante que réalisait cette enfant. Foudroyé par cette rencontre, il vit à peine que la petite fille lui souriait.."


Nabokov, Lolita I, 11, trad. Couturier :

"Pourquoi donc sa façon de marcher – ce n'est qu'une enfant, notez bien, une simple enfant ! – m'excite-t-elle si abominablement ? Analysons-la. Les pieds légèrement rentrés. Une sorte de tortillement élastique en dessous du genou qui se prolonge jusqu'à la chute de chaque pas. Une démarche un tantinet traînante. Très infantile, infiniment racoleuse. Humbert Humbert est aussi intensément troublé par le langage argotique de la petite, par sa voix aigre et puissante. Plus tard, je l'ai entendue qui lançait à Rose des sottises grossières par-dessus la clôture. Tout cela vibrait en moi à rythme accéléré. Pause. «Il faut que j'y aille maintenant, petite môme»."

Why does the way she walks—a child, mind you, a mere child!—excite me so abominably? Analyze it. A faint suggestion of turned in toes. A kind of wiggly looseness below the knee prolonged to the end of each footfall. The ghost of a drag. Very infantile, infinitely meretricious. Humbert Humbert is also infinitely moved by the little one’s slangy speech, by her harsh high voice. Later heard her volley crude nonsense at Rose across the fence. Twanging through me in a rising rhythm. Pause. “I must go now, kiddo".


rappel : 

https://lelectionnaire.blogspot.com/2023/05/gautier-adolescence.html