Bosco, Malicroix p. 207-208 :
"Si je parle souvent de mon sommeil, c'est que j'attache une grande importance aux événements intérieurs ; et ils ne se créent librement que pendant le temps où le corps repose. Or ce repos du corps n'est pas repos de l'âme, mais abandon de toute surveillance. La raison cède à la poussée des images latentes, et l'empire pur de l'esprit se dissout dans la confusion. Le temps, l'espace, enfantent et perdent sans cesse des dimensions fictives ; ainsi, tous les édifices de l'âme flottent sur le vide. Parmi tant de possibles, il n'est plus de pensée, et rien de nous ne se refuse à croire. Fatalement, cet univers évolue vers le malaise. C'est pourquoi, au réveil, le monde retrouvé apparaît si beau. Recomposé dans ses mesures, rentré dans la stabilité, il est trop rassurant pour qu'on puisse y croire, et l'on pense rêver alors qu'on s'échappe du rêve. Les bruits, les mots, les objets et les êtres les plus usuels de la vie s'allègent tout à coup et prennent une autre nature ; ils deviennent irréels."