Focillon, La Vie des formes chap. 1 :
"Il existe une sorte d’ethnographie spirituelle qui s’entrecroise à travers les « races » les mieux définies, des familles d’esprits unies par des liens secrets et qui se retrouvent avec constance par delà les temps, par delà les lieux. Peut-être chaque style et chaque état d’un style, peut-être chaque technique requièrent-ils de préférence telle nature d’homme, telle famille spirituelle [...] Et s’il nous faut chercher des liens et des rapports entre eux tous, nous verrons que, dans le cours de la vie même, ils sont bien moins définis par les circonstances que par des affinités d’esprit concernant les formes. En disant qu’à un certain ordre des formes correspond un certain ordre des esprits, nous sommes nécessairement conduits à la notion de familles spirituelles, ou plutôt de familles formelles. [...] Alors on voit se reconnaître et s’appeler les hommes de même trempe, l’amitié humaine peut intervenir dans ces relations et les favoriser, mais le jeu des affinités réceptives et des affinités électives dans le monde des formes s’exerce dans une autre région que celle de la sympathie, qui peut lui être indifféremment propice ou adverse. Ces affinités n’ont pas le moment pour cadre et pour limite. Elles se développent avec ampleur dans le temps. Chaque homme est d’abord le contemporain de lui-même et de sa génération, mais il est aussi le contemporain du groupe spirituel dont il fait partie."