Stasiuk, Contes de Galicie ("Le lieu") :
"Je me dis que le type avait dû sans le vouloir photographier l’espace où se trouvait l’iconostase, maintenant vidée de ses formes, que la lumière continuait de remplir comme toujours avant le coucher du soleil. Les après-midi d’automne, quand le temps était beau, le soleil se trouvait face à l’entrée. Pousser le portail suffisait pour que la lumière se déverse à l’intérieur. Une vague éblouissante roulait à travers la nef sentant le bois putréfié, balayait rapidement les murs à la polychromie écaillée pour éclater sur l’iconostase. Durant ces quelques minutes, l’or terni des reliefs et les couleurs pâlissantes des icônes retrouvaient leur éclat surnaturel d’origine, celui que l’imagination et la mélancolie des artistes paysans avaient façonné. Cela ne durait pas. Le soleil se cachait derrière la colline herbue, et l’église retrouvait la semi-obscurité. Le visage de saint Dimitri s’assombrissait, redevenait humain, et le corps nu d’Adam reprenait la teinte gris-marron de l’argile."