mardi 12 octobre 2021

Stein (Ida)

Stein (Gertrude), Ida, incipit, traduction Mauroc (1978) :

"Il y avait un bébé qui venait de naître et qui s’appelait Ida. Sa mère l’avait retenu de ses mains pour empêcher Ida de naître mais le moment venu Ida était venue. Et avec Ida était venue sa jumelle, et c’est comme ça qu’elle était là, Ida-Ida.

La mère était douce et gentille et le père aussi. Toute la famille était douce et gentille sauf la grande-tante*. C’était la seule exception.

Une vieille femme qui n’était pas une parente et qui avait connu la grande-tante* quand elle était jeune leur racontait toujours qu’il lui était arrivé quelque chose à la grande-tante* oh il y avait bien des années, c’était un soldat, et puis qu’il lui était né des petits jumeaux et puis qu’elle avait tranquillement, les jumeaux étaient morts, ils étaient nés comme ça, qu’elle les avait enterrés sous un poirier et que personne ne savait.

Personne ne la croyait la vieille femme c’était peut-être vrai mais personne ne le croyait, mais toute la famille les regardait toujours les poiriers et avec une drôle d’impression.

Le grand-père était doux et gentil lui aussi. Il ne leur faut pas longtemps aux cerisiers aimait-il répéter pour ne plus ressembler à des poiriers.

C’était une charmante famille mais on y perdait facilement les siens."


* "grande-tante", peu usité (alors que "grand-tante" est plus courant) vise peut-être à un effet de style que je perçois pas.



traduction Collin 

[Collin Françoise, Stein Gertrude. Ida. In: Les Cahiers du GRIF, n°21-22, 1978. Gertrude Stein. pp. 44-66.]

Il y avait un bébé à naître appelé Ida. Sa mère le tint avec ses mains pour empêcher Ida de naître mais quand vint le temps Ida vint. Et comme Ida venait, avec elle vint sa jumelle, ainsi elle fut là Ida-Ida.

La mère était douce et gentille et tel était le père. Toute la famille était douce et gentille excepté la grand-tante. Elle était la seule exception.

Une vieille femme qui n'était pas de la famille et qui avait connu la grand-tante quand elle était jeune disait toujours que la grand-tante avait eu quelque chose qui lui était arrivé oh il y avait des années, c'était un soldat, et alors la grand-tante avait eu de petites jumelles qui lui étaient nées et alors elle avait calmement, les jumelles étaient mortes alors, nées ainsi, elle les avait enterrées sous un poirier et personne ne savait.

Personne ne croyait la vieille femme peut-être que c'était vrai mais personne ne le croyait, mais toute la famille regardait toujours les poiriers et avait un sentiment curieux.

Le grand-père était doux et gentil aussi. Il aimait dire qu'un cerisier ne ressemble pas de si tôt à un poirier.

C'était une famille charmante mais ils se perdaient facilement l'un l'autre.



There was a baby born named Ida. Its mother held it with her hands to keep Ida from being born but when the time came Ida came. And as Ida came, with her came her twin, so there she was Ida-Ida. The mother was sweet and gentle and so was the father. The whole family was sweet and gentle except the great-aunt. She was the only exception. An old woman who was no relation and who had known the great-aunt when she was young was always telling that the great-aunt had had something happen to her oh many years ago, it was a soldier, and then the great-aunt had had little twins born to her and then she had quietly, the twins were dead then, born so, she had buried them under a pear tree and nobody knew. Nobody believed the old woman perhaps it was true but nobody believed it, but all the family always looked at every pear tree and had a funny feeling. The grandfather was sweet and gentle too. He liked to say that in a little while a cherry tree does not look like a pear tree. It was a nice family but they did easily lose each other.