Hume, Traité de la nature humaine, Livre II : Des Passions (1739), III, 3, Sur les motifs qui influencent la volonté, traduction Cléro :
"Il n’est pas contraire à la raison de préférer la destruction du monde entier à une égratignure de mon doigt. Il n’est pas contraire à la raison que je choisisse d’être totalement ruiné pour empêcher le moindre malaise d’un Indien ou d’une personne qui m’est totalement inconnue. Il n’est pas davantage contraire à la raison que je préfère, même en connaissance de cause, un moindre bien à mon plus grand bien, et que j’éprouve une affection plus ardente pour le premier que pour le second. Un bien trivial peut, en raison de circonstances particulières, produire un désir supérieur à celui que suscite le contentement le plus considérable et le plus estimable ; et il n’y a rien de plus extraordinaire en cela que de voir, en mécanique, un poids d’une livre soulever un de cent, grâce à l’avantage de sa situation. En bref, une passion doit s’accompagner d’un jugement faux pour être déraisonnable ; et même alors, ce n’est pas la passion, à proprement parler, qui est déraisonnable, c’est le jugement."
It is not contrary to reason to prefer the destruction of the whole world to the scratching of my finger. It is not contrary to reason for me to chuse my total ruin, to prevent the least uneasiness of an Indian or person wholly unknown to me. It is as little contrary to reason to prefer even my own acknowledgeed lesser good to my greater, and have a more ardent af- fection for the former than the latter. A trivial good may, from certain circumstances, produce a desire superior to what arises from the greatest and most valuable enjoyment; nor is there any thing more extraordinary in this, than in mechanics to see one pound weight raise up a hundred by the advantage of its situation. In short, a passion must be accompanyed with some false judgment in order to its being unreasonable; and even then it is not the passion, properly speaking, which is unreasonable, but the judgment.