Matthews (H.), Les verts Champs de moutarde de l'Afghanistan (trad. Perec) p. 15-16 :
Le corps humain, le plus riche des fruits de la nature, n’est pas un organisme unitaire fait d’éléments constitutifs, mais un assemblage d’entités dont la collaboration volontaire est indispensable au fonctionnement de l’ensemble. «Le corps est semblable à une confédération politique, et non à une fédération comme on l’imagine généralement.» Chaque entité est dotée d’une psyché spécifique dont la sensibilité et la conscience sont plus ou moins développées. Des dents qui font mal sont comme des enfants capricieux de six ans, une verge impuissante est une adolescente boudeuse qui a besoin d’être cajolée. L’entité la plus développée est le cœur, qui ne gouverne pas le corps, mais y siège en président, avec conviction et tendresse, comme un père riche d’expériences et encore plein de vigueur au milieu de ses enfants et de ses animaux familiers. Lorsque ces différentes entités sont heureuses, elles jouent leur rôle convenablement, coopèrent volontiers, et c’est la santé. Mais lorsqu’un membre de l’organisme rejette sa vocation, la maladie apparaît. La médecine intervient pour ramener le membre égaré à sa place dans la société du corps. Dans le meilleur des cas, le cœur sécrète sa propre médecine en persuadant par des paroles pleines de sympathie le révolté de son amour. Mais un médecin est souvent nécessaire pour faciliter le dialogue entre le cœur et le membre et parfois, lorsque le malade s’est abandonné à l’inconscience ou au désespoir, pour parler à la place du cœur."