samedi 13 mai 2023

Céline (père)

CélineLondres chap. IV : 

"J’y aurais découpé la gueule à mon père moi en dix-huit tranches, lui qu’était si instruit, si parfaitement sûr d’honneur et tout, pour qu’il me le dise alors à moi là, un bon coup, à pleins tromblons, sans mirontons, sans charade, sans bigoudis, de quoi qu’il croyait vraiment qu’ils me croyaient coupable ?… Même si je l’avais décarcassé en plus de haut en bas, mon père il savait rien, de quoi qu’il m’aurait bien pu répondre ? Il avait rien dans l’urne mon père, rien que des mots, comme tous les énervés de son éducation, des gros, des petits, des élégants, des sournois, du vide pour obéir, discourir, et péter, les yeux pour ne rien voir et pleurer en rages sournoises tout son romantisme châtré par vingt ans de bureau, pour me pleurer moi sans doute, bien content dessous si on m’avait tué ici ou là, son petit vœu, débarrassé. Il s’en foutait jusqu’au trognon, pourvu que sa misère à mon père, qu’il connaissait bien, on la lui laisse, à lui intégrale, sans moi, ses quarante-cinq ans aussi, qu’il demeure à pourrir, à rager, geindre, au bord de la catastrophe."