Gracq Lettrines 2 :
“La neige fondait, ne laissait plus au creux des labours que des lignes blanches, sinueuses et discontinues comme des lignes d’écriture, les lointains à trois cents mètres se perdaient dans l’air gris du dégel. Je voyais défiler devant moi les villas trempées du Vésinet et du Pecq au fond de leurs jardinets de brindilles noires, les avenues vides et mouillées entre les grilles que rien d’autre n’éveillerait au long des journées que l’égouttement des branches, le terreau huileux des carrés de légumes gelés, puis la terrasse de Saint-Germain avec la pente de ses jardins filigranés de neige, la longue barre grise de l’esplanade au dessus des taillis violets, la Seine sans couleur et la rive plate en face comme un morceau de steppe mangé par le brouillard. Le sentiment d’une intimité tendre montait de cette banlieue morfondue et recueillie.“