Aristote, Poétique IX 'Différence du poète et de l'historien' :
"Par tout ce que nous venons de dire, il est évident que l'objet du poète est, non de traiter le vrai comme il est arrivé, mais comme il aurait pu arriver, et de traiter le possible selon le vraisemblable ou le nécessaire : car la différence du poète et de l'historien n'est point en ce que l'un parle en vers, l'autre en prose ; les écrits d'Hérodote mis en vers ne seraient toujours qu'une histoire. Ils diffèrent en ce que l'un dit ce qui a été fait, et l'autre ce qui aurait dû être fait : et c'est pour cela que la poésie est beaucoup plus philosophique et plus instructive que l'histoire. Celle-ci peint les choses dans le particulier ; la poésie les peint dans le général. Le général est ce qu'un homme quelconque, d'un caractère donné, peut ou doit dire ou faire, selon le vraisemblable ou le nécessaire que la poésie en a vue lorsqu'elle impose les noms de l'histoire. Le particulier est ce qu'a fait Alcibiade, ou ce qu'on lui a fait."
Diderot, Éloge de Richardson :
"Ô Richardson ! j’oserai dire que l’histoire la plus vraie est pleine de mensonges, et que ton roman est plein de vérités. L’histoire peint quelques individus ; tu peins l’espèce humaine : l’histoire attribue à quelques individus ce qu’ils n’ont ni dit, ni fait ; tout ce que tu attribues à l’homme, il l’a dit et fait : l’histoire n’embrasse qu’une portion de la durée, qu’un point de la surface du globe ; tu as embrassé tous les lieux et tous les temps. Le cœur humain, qui a été, est et sera toujours le même, est le modèle d’après lequel tu copies. Si l’on appliquait au meilleur historien une critique sévère, y en a-t-il aucun qui la soutînt comme toi ? Sous ce point de vue, j’oserai dire que souvent l’histoire est un mauvais roman ; et que le roman, comme tu l’as fait, est une bonne histoire. Ô peintre de la nature ! c’est toi qui ne mens jamais."