jeudi 22 juillet 2021

Gadda (repas)

Gadda, La Connaissance de la douleur, deuxième partie, chapitre 2 (chap. 6 en VO), traduction Bonalumi et Wahl :

"La sarabande famélique tourbillonnait sous les globes électriques que balançait le pampero, parmi les myriades de siphons de Seltz. La lumière du monde à l’envers* buvait ses foules uricémiques, parfumeurs à la merci du Progrès, urètres nivelés par l’eau de Seltz, « ¡ Mozo, tráigame otro sifón ! »**. Une joyeuseté imbécile animait tous ces faciès ; les dames, comme on se gratte une acné, avec des gestes de guenons entre les mains desquelles seraient tombées quelques cacaruettas, se repoudraient à chaque plat : de rouge au ragoût. Et tous d’espérer : d’espérer : dans la joie. Et ça débordait de confiance en soi. À moins qu’important, ça ne se taise. Derrière une table de travail ; le torse bombé, le buste droit ; cartonné dans l’accessoire amidonné d’un smoking comme dans l’emplâtre et la surturgescence des certitudes et de la réalité biologiques. De loin en loin, ils faisaient pisser un siphon : le récipient virilement mictif conférant à la main du désœuvré son quantum de poids. Puis se gargarisaient, barytonaux et glabres, au collutoire des souvenirs : se glorifiant de nuits imaginaires et faisant lucre de la revente de diamants (qui jamais n’avaient existé) : tandis que se fermait le visage fallace des femmes, sur une vérité de chasse aux oiseaux."

* (hémisphère sud)

** (Garçon, apportez-moi un autre siphon !)


La sarabanda famelica vorticava sotto i globi elettrici dondolati dal pampero, tra miriadi di sifoni di seltz. La luce del mondo capovolto si beveva le sue folle uricemiche, profumieri in balìa del Progreso, uretre livellate dallo seltz. «¡Mozo, tráigame otro sifón!». Una giuliva bischeraggine animava le facce di tutti; le donne, come si grattassero un’acne, o con gesti di bertucce cui sia data tra mano alcuna cacaruetta,[25] si davan la cipria a ogni piatto: mangiavano minestrone e matita. E tutti speravano, speravano, giulivi. Ed erano pieni di fiducia. Oppure, autorevoli, tacevano. A tavolino; petto in fuori, busto eretto; incartonati nell’arnese d’amido dello smoking quasi nel cerotto e nel turgore supremo della certezza e della realtà biologica. Di quando in quando facevano pisciare i sifoni: e il sifone virilmente mingente conferiva alla mano del disoccupato una tal quale gravità. E si gargarizzavano, baritonali, glabri, col collutorio dei ricordi: vantando immaginarie notti e lucri di diamanti rivenduti: (ma non mai esistiti): taceva, il viso-bugia della femmina, circa l’aucupio vero.