Gadda, L'affreuse Embrouille de via Merulana, traduction Montanaro, chapitre VII :
"Dans la bouche édentée, l’trou, noir : d’où, entre un mot et l’autre, elle resuçait en dedans la salive déjà déversée, avec une sorte de sifflement moite où ensuite les « er » barbotaient à rebours, comme quelqu’un qui, jeté là par la déferlante, serait emporté en arrière par le ressac. Une hésitation de petites bulles, très suaves, au bord des lèvres, accompagnait la récupération : que peu après, d’un soudain coup de faux, la pointe écarlate et acérée de la langue se chargeait de perfectionner. "
"Nella bocca senza denti er bucio, nero: da cui, tra verbo e verbo, ella risucchiava dentro la già erogata saliva, con una specie di sibilo un po’ umidiccio dove poi gli erre sguazzavano a ritroso, come chi, buttato là dal frangente, sia travolto indietro dalla risacca. Un indugio di piccole, soavissime bulle, sui labbri, accompagnava il ricupero: che con una repentina falciata, poi poco dopo, il-vertice acuminato e scarlatto della lingua s’incaricava di perfezionare".
Proust, Sodome et Gomorrhe :
"Elle avait deux singulières habitudes qui tenaient à la fois à son amour exalté pour les arts (surtout pour la musique) et à son insuffisance dentaire. Chaque fois qu'elle parlait esthétique ses glandes salivaires, comme celles de certains animaux au moment du rut, entraient dans une phase d'hypersécrétion telle que la bouche édentée de la vieille dame laissait passer au coin des lèvres légèrement moustachues, quelques gouttes dont ce n'était pas la place. Aussitôt elle les ravalait avec un grand soupir, comme quelqu'un qui reprend sa respiration. Enfin s'il s'agissait d'une trop grande beauté musicale, dans son enthousiasme elle levait les bras et proférait quelques jugements sommaires, énergiquement mastiqués et au besoin venant du nez. [...] – Ah ! on voit que Mademoiselle aime les arts », s'écria Mme de Cambremer qui, en poussant une respiration profonde, résorba un jet de salive."