Gadda (C.-E.), L'affreuse Embrouille de la via Merulana [1957], traduction Montanaro [2016] chap. 1 :
« [...] [D]ans sa sagesse il interrompait parfois sommeil et silence pour énoncer quelques idées d’ordre théorique (idées générales, bien entendu) sur les affaires des hommes : et des femmes. À première vue, c’est-à-dire à première ouïe, on aurait dit des banalités. Ce n’étaient pas des banalités. Aussi, ces énoncés rapides, qui produisaient sur sa bouche le crépitement soudain d’une allumette illuminatrice, revivaient ensuite dans les tympans des gens, à des heures ou des mois de distance de leur énonciation : comme après un temps mystérieux d’incubation. « Eh oui ! reconnaissait l’intéressé, le dottor Ingravallo me l’avait pourtant dit. » Il soutenait, entre autres choses, que les catastrophes inopinées ne sont jamais la conséquence ou l’effet, si l’on préfère, d’un motif unique, d’une cause au singulier : mais elles sont comme un tourbillon, un point de dépression cyclonique dans la conscience du monde, vers lequel ont conspiré toute une multiplicité de mobiles convergents. Il disait aussi nœud ou enchevêtrement, ou grabuge, ou gnommero, embrouille, qui en dialecte veut dire pelote. Mais le terme juridique « les mobiles, le mobile » s’échappait de préférence de sa bouche : presque contre son gré, semblait-il. La conviction qu’il fallait « réformer en nous le sens de la catégorie de cause » tel que nous le tenions des philosophes, d’Aristote ou d’Emmanuel Kant, et remplacer la cause par les causes, était chez lui une conviction centrale et persistante : une fixation, quasiment : qui s’évaporait de ses lèvres charnues, mais plutôt blanches, au coin desquelles flageolait un mégot éteint qui semblait accompagner la somnolence du regard et le quasi-rictus, entre l’amer et le sceptique, qu’il avait coutume de laisser exprimer selon une « vieille » habitude à la partie inférieure de son visage, sous le sommeil du front et des paupières et le noir de poix de la tignasse. »
Gadda (C.-E.), Quer pasticciaccio brutto de Via Merulana, chap. 1 :
« [...] [N]ella sua saggezza interrompeva talora codesto sonno e silenzio per enunciare qualche teoretica idea (idea generale s’intende) sui casi degli uomini : e delle donne. A prima vista, cioè al primo udirle, sembravano banalità. Non erano banalità. Così quei rapidi enunciati, che facevano sulla sua bocca il crepitio improvviso d’uno zolfanello illuminatore, rivivevano poi nei timpani della gente a distanza di ore, o di mesi, dalla enunciazione : come dopo un misterioso tempo incubatorio. «già !» riconosceva l’interessato : «il dottor Ingravallo me l’aveva pur detto.» Sosteneva, fra l’altro, che le inopinate catastrofi non sono mai la conseguenza o l’effetto che dir si voglia d’un unico motivo, d’una causa al singolare : ma sono come un vortice, un punto di depressione ciclonica nella coscienza del mondo, verso cui hanno cospirato tutta una molteplicità di causali convergenti. Diceva anche nodo o groviglio, o garbuglio, o gnommero, che alla romana vuol dire gomitolo. Ma il termine giuridico «le causali, la causale» gli sfuggiva preferentemente di bocca : quasi contro sua voglia. L’opinione che bisognasse «riformare in noi il senso della categoria di causa» quale avevamo dai filosofi, da Aristotele o da Emmanuele Kant, e sostituire alla causa le cause era in lui una opinione centrale e persistente : una fissazione, quasi : che gli evaporava dalle labbra carnose, ma piuttosto bianche, dove un mozzicone di sigaretta spenta pareva, pencolando da un angolo, accompagnare la sonnolenza dello sguardo e il quasi-ghigno, tra amaro e scettico, a cui per «vecchia» abitudine soleva atteggiare la metà inferiore della faccia, sotto quel sonno della fronte e delle palpebre e quel nero piceo della parrucca. »