Cowper (William), La Tâche (1783-1785)
traduction de Sainte-Beuve, in Causeries du Lundi tome XI, 4 décembre 1854 :
« Il y a dans les âmes une sympathie avec les sons, et, selon que l’esprit est monté à un certain ton, l’oreille est flattée par des airs tendres ou guerriers, vifs ou graves. Quelque corde à l’unisson avec ce que nous entendons, est touchée au-dedans de nous, et le cœur répond. Combien touchante est la musique de ces cloches de village qui, par intervalles, vient frapper l’oreille en douces cadences, tantôt mourant au loin, tantôt reprenant avec force et toujours plus haut, claire et sonore, selon que le vent arrive ! avec une force insinuante elle ouvre toutes les cellules où dormait la Mémoire. Quel que soit le lieu où j’aie entendu une mélodie pareille, la scène m’en revient à l’instant, et avec elle tous ses plaisirs et toutes ses peines. Si vaste et rapide est le coup d’œil de l’esprit, qu’en peu de moments je me retrace (comme sur une carte le voyageur, les pays parcourus) tous les détours de mon chemin à travers maintes années… »
There is in souls a sympathy with sounds ;
And as the mind is pitch’d the ear is pleased
With melting airs, or martial, brisk, or grave :
Some chord in unison with what we hear
Is touch’d within us, and the heart replies.
How soft the music of those village bells,
Falling at intervals upon the ear
In cadence sweet, now dying all away,
Now pealing loud again, and louder still,
Clear and sonorous, as the gale comes on !
With easy force it opens all the cells
Where Memory slept. Wherever I have heard
A kindred melody, the scene recurs,
And with it all its pleasures and its pains.
Such comprehensive views the spirit takes,
That in a few short moments I retrace
(As in a map the voyager his course)
The windings of my way through many years.