mercredi 4 janvier 2023

Nabokov (blanc)

Nabokov, Mademoiselle O, in  Nouvelles complètes, Quarto p. 665 : 

[écrit en français]

"Le crayon blanc, corbeau blanc, albinos maigre, était resté très long – jusqu'au moment, du reste, où je compris que, loin d'être privé d'existence, comme il me le semblait quand il ne laissait aucune trace sur le papier blanc, il était vraiment le crayon idéal, car je pouvais m'imaginer tout ce que je voulais en griffonnant sur la page des lignes, invisibles sans doute, mais qui étaient bien là, puisque la pointe devenait de plus en plus courte."


Nabokov, Autres Rivages chap V Pléiade t. 2 p. 1225 :

"Le petit bonhomme violet, que j'aimais entre tous, était devenu si court à force d'avoir servi qu'on pouvait à peine le tenir. Seul le blanc, ce grand flandrin d'albinos dans le monde des crayons, avait gardé sa longueur première, ou du moins la garda-t-il jusqu'au moment où je découvris que, loin d'être un imposteur ne laissant aucune trace sur la page, il était l'instrument idéal, puisque je pouvais m'imaginer tout ce que je voulais pendant que je gribouillais.."


The little purple fellow, a special favorite of mine, had got worn down so short as to become scarcely manageable. The white one alone, that lanky albino among pencils, kept its original length, or at least did so until I discovered that, far from being a fraud leaving no mark on the page, it was the ideal implement since I could imagine whatever I wished while I scrawled.