jeudi 28 octobre 2021

Fante (John) (nostalgie 2)

 Fante (John), 1933 was a bad Year, trad. Matthieussent 10x18 p. 85-86 : 

"Je savais sa blessure secrète, et je plaignais grand-maman Bettina. Elle se sentait seule, incapable de reprendre racine dans une terre étrangère. Elle n'avait pas voulu venir en Amérique, mais mon grand-père ne lui avait pas laissé le choix. La pauvreté existait aussi dans les Abruzzes, mais c'était une pauvreté plus douce, un mal que tout le monde partageait, comme une miche de pain passée alentour*. On partageait aussi la mort, la douleur, la peine et les bons moments ; le village de Torricella Peligna ressemblait à un seul être humain. Ma grand-mère était un doigt arraché au restant du corps, et rien dans sa nouvelle existence ne pouvait la consoler de son désespoir. Elle ressemblait à tous les gens qui avaient quitté cette partie de l'Italie. Certains étaient mieux lotis que d'autres, certains étaient riches, mais la joie avait quitté leur vie, et le nouveau pays était un lieu solitaire où O Sole mio et Reviens à Sorrente étaient des chansons qui brisaient le cœur."


I knew her troubled soul, and 1 pitied her. She was lonely, her roots dangling in an alien land. She had not wanted to come to America, but my grandfather had given her no other choice. There had been poverty in Abruzzi too, but it was a sweeter poverty that everyone shared like bread parsed around. Death was shared too, and grief, and good times, and the village of Torricella Peligna was like a single human being. My grandmother was a finger torn from the rest or the body and nothing in the new life could assuage her desolation. She was like all those others who had come from her part of Italy. Some were better off, and some were wealthy, bur the joy was gone from their lives, and the new country was a lonely place where "O Sole Mio" and "Come Back to Sorrento" were heartbreak songs.


* Cette fin de phrase est bizarrement traduite. C'est dommage, car c'est un des passages les plus importants du texte. L'image du doigt arraché est explicite, et même spectaculaire. Ici, c'est plus discret, donc à ne pas malmener.

- il n'y pas de "miche" dans l'original.

- "alentour," pour rendre around, est une traduction mécanique, le sens est bien plus vague. 

- les verbes parsed et shared sont de sens voisin (partager, répartir, diviser) ; le premier insiste plus sur la communauté ; le second, sur la division en morceaux ; ils illustrent parfaitement la thématique de l'eucharistie ("fraction" du pain). 

On pourrait donc très bien réduire à "comme du pain" ; ou "qu'on partageait comme on partage le pain."