mercredi 8 septembre 2021

Maugham (H. James)

Maugham, L'Art de la nouvelle (trad. F. Berthet), in L'Humeur passagère, Belles-Lettres 2011 :

"Prenons, par exemple, les nouvelles de Henry James. Il en écrivit beaucoup, et elles font l’admiration des lecteurs cultivés dont l’opinion mérite le respect. J’imagine qu’il est impossible à quiconque connut personnellement Henry James de le lire sans émotion. Il faisait passer le ton de sa voix dans chaque ligne qu’il écrivait, et l’on accepte les volutes de son style, sa prolixité et ses maniérismes parce qu’ils sont l’essence même du charme, de la gentillesse et de l’amusante emphase de l’homme dont on se souvient. Malgré tout, je persiste à trouver ses nouvelles extrêmement peu satisfaisantes. Je n’y crois pas. Et je n’arrive pas à croire qu’on puisse d’un côté imaginer l’agonie d’un enfant atteint de diphtérie, et de l’autre inventer une mère qui préférerait le laisser mourir plutôt que de lui permettre d’atteindre l’âge où il pourrait lire les livres de son père. C’est pourtant ce qui se passe dans une nouvelle intitulée L’Auteur de Beltraffio. Je ne pense pas que Henry James ait jamais su comment se comportaient les gens de tous les jours. Ses personnages sont dépourvus de tripes et d’organes sexuels."


Take, for instance, the stories of Henry James. He wrote many, and they are greatly admired by cultivated readers whose opinion one is bound to respect. It is impossible, I imagine, for anyone who knew Henry James in the flesh to read his stories dispassionately. He got the sound of his voice into every line he wrote, and you accept the convoluted style of so much of his work, his long-windedness and his mannerisms, because they are part and parcel of the charm, benignity and amusing pomposity of the man you remember. But, for all that, I find his stories highly unsatisfactory. I do not believe them. I do not believe that anyone who could visualise a child’s agony when suffering from diphtheria could conceive that the child’s mother would let him die sooner than allow him to grow up and read his father’s books. This is what happens in a story called The Author of Beltraffio. I don’t think Henry James ever knew how ordinary people behave. His characters have neither bowels nor sexual organs.