vendredi 19 septembre 2025

Revel (Chevalier de) / Constant / Ruyer (mort de Dieu)

Revel (chevalier de), cité par Ruyer, La Gnose de Princeton : des savants à la recherche d'une religion, (p. 10) 

qui précise : "Cité, avec approbation, par Benjamin Constant, dans une lettre, écrite en 1790 [4 juin], à Madame de Charrière."

"Dieu est mort avant d’avoir fini son ouvrage... Il avait les plus beaux et vastes projets du monde et les plus grands moyens. Il avait déjà mis en œuvre plusieurs des moyens, comme on élève des échafauds pour bâtir. Mais au milieu de son travail il est mort. Si bien que tout à présent se trouve fait dans un but qui n'existe plus. Nous en particulier, nous nous sentons destinés à quelque chose dont nous ne nous faisons aucune idée. Nous sommes comme des montres où il n’y aurait point de cadran et dont les rouages, doués d'intelligence, tourneraient jusqu’à ce qu'ils se fussent usés, sans savoir pourquoi et se disant toujours : « Puisque je tourne, j'ai donc un but. » "


Constant  : 

"Je sens plus que jamais le néant de tout, combien tout promet et rien ne tient, combien nos forces sont au-dessus de notre destination, et combien cette disproportion doit nous rendre malheureux. Cette idée, que je trouve juste, n’est pas de moi ; elle est d’un Piémontais, homme d’esprit dont j’ai fait la connaissance à la Haye, un chevalier de Revel, envoyé de Sardaigne. Il prétend que Dieu, c’est-à-dire l’auteur de nous et de nos alentours, est mort avant d’avoir fini son ouvrage ; qu’il avait les plus beaux et vastes projets du monde et les plus grands moyens ; qu’il avait déjà mis en œuvre plusieurs des moyens, comme on élève des échafauds pour bâtir, et qu’au milieu de son travail il est mort  [etc]. Cette idée me paraît la folie la plus spirituelle et la plus profonde que j’aie ouïe, et bien préférable aux folies chrétiennes, musulmanes ou philosophiques, des Ier, VII et XVIIIe siècles de notre ère."