Zola, La Conquête de Plassans, chap XVII :
"Toute une nouvelle femme grandissait en Marthe. Elle était affinée par la vie nerveuse qu’elle menait. Son épaisseur bourgeoise, cette paix lourde acquise par quinze années de somnolence derrière un comptoir, semblait se fondre dans la flamme de sa dévotion. […] Il y avait, chez elle, une sorte d’appétit physique de ces gloires, un appétit qui la torturait, qui lui creusait la poitrine, lui vidait le crâne, lorsqu’elle ne le contentait pas. Elle souffrait trop, elle se mourait, et il lui fallait venir prendre la nourriture de sa passion, se blottir dans les chuchotements des confessionnaux, se courber sous le frisson puissant des orgues, s’évanouir dans le spasme de la communion. Alors, elle ne sentait plus rien, son corps ne lui faisait plus mal. Elle était ravie à la terre, agonisant sans souffrance, devenant une pure flamme qui se consumait d’amour. […]
Elle entra enfin dans les délices du paradis. Elle eut des attendrissements, des larmes intarissables qu’elle pleurait sans les sentir couler ; crises nerveuses, d’où elle sortait affaiblie, évanouie, comme si toute sa vie s’en était allée le long de ses joues. Rose la portait alors sur son lit, où elle restait pendant des heures avec les lèvres minces, les yeux entrouverts d’une morte…"