samedi 5 juin 2021

Vargas Llosa (enfants)


Vargas Llosa, La Tante Julia et le Scribouillard, trad. Bensoussan, Folio 233 : 

"Quel mal faisaient à l'humanité les innocents bambins ? N'étaient-ils pas la grâce, la pureté, la joie, la vie ? [...] il admit qu'ils pouvaient être bruyants. En effet, ils pleuraient beaucoup, à toute heure et pour n'importe quel motif, et comme ils n'avaient pas encore l'usage de leur raison, ils ne tenaient pas compte du préjudice causé par cette propension et ne pouvaient non plus être persuadés de vertus du silence. Il se rappela alors le cas de cet ouvrier qui, après d'exténuantes journées à la mine, rentrait chez lui et ne pouvait dormir à cause des pleurs frénétiques du nouveau-né qu'il finit par assassiner (?). Combien de millions de cas semblables étaient-ils recensés de par le monde ? Combien d'ouvriers, de paysans, de commerçants et d'employés qui - coût élevé de la vie, bas salaires, étroitesse de logements - vivaient dans des pièces minuscules qu'ils partageaient avec leur progéniture, étaient ainsi empêchés de jouir d'un sommeil mérité par les hurlements d'un enfant incapable de dire si ses beuglements signifiaient diarrhée ou tétée supplémentaire ?

[...] Lucho Abril Marroquin trouva qu'on pouvait leur imputer aussi bien des dégâts. A la différence de tout animal, ils tardaient trop à se débrouiller tout seuls, et combien de catastrophes découlaient de cette tare ! Ils brisaient tout, bibelot artistique ou vase de cristal, ils arrachaient les rideaux qu'en se brûlant les yeux la maîtresse de maison avait cousus, et sans le moindre embarras ils posaient leurs mains souillées de caca sur la nappe amidonnée ou la mantille de dentelle achetée avec privation et amour. Sans compter qu'ils fourraient aussi leurs doigts dans les prises de courant et provoquaient des courts-circuits ou s'électrocutaient stupidement ce qui signifiait pour la famille : petit cercueil blanc, pierre tombale, veillée funèbre, faire-part dans El Comercio, vêtements de deuil, obsèques."


¿ Qué mal hacían a la humanidad los inocentes párvulos? ¿ No eran la gracia, la pureza, la alegría, la vida ?, [...] admitió que podían ser ruidosos. En efecto, lloraban mucho, a cualquier hora y por cualquier motivo, y, como carecían de uso de razón, no tenían en cuenta el perjuicio que esa propensión causaba ni podían ser persuadidos de las virtudes del silencio. Recordó entonces el caso de ese obrero que, luego de extenuantes jornadas en el socavón, volvía al hogar y no podía dormir por el llanto frenético del recién nacido al que finalmente había ¿ asesinado ? ¿ Cuántos millones de casos parecidos se registrarían en el globo ? ¿ Cuántos obreros, campesinos, comerciantes y empleados, que — alto costo de la vida, bajos salarios, escasez de viviendas — vivían en departamentos estrechos y compartían sus cuartos con la prole, estaban impedidos de disfrutar de un merecido sueño por los alaridos de un niño incapaz de decir si sus berridos significaban diarrea o ganas de más teta ?

[...] Lucho Abril Marroquín encontró que se les podía achacar también muchos destrozos. A diferencia de cualquier animal, tardaban demasiado en valerse por sí mismos, ¡ y cuántos estragos resultaban de esa tara ! Todo lo rompían, carátula artística o florero de cristal de roca, traían abajo las cortinas que quemándose los ojos había cosido la dueña de casa, y sin el menor embarazo aposentaban sus manos embarradas de caca en el almidonado mantel o la mantilla de encaje comprada con privación y amor. Sin contar que solían meter sus dedos en los enchufes y provocar cortocircuitos o electrocutarse estúpidamente con lo que eso significaba para la familia : cajoncito blanco, nicho, velorio, aviso en “El Comercio”, ropas de luto, duelo.