Kleist, Sentiments face au paysage marin de Friedrich :
[réécriture d'un article de Brentano]
« Il est merveilleux, dans une infinie solitude sur le rivage marin, sous un ciel brouillé, de porter son regard sur un désert d’eau sans limites. Encore faut-il être allé là-bas, devoir en revenir, vouloir passer de l’autre côté, ne pas le pouvoir, être dépourvu de tout ce qui fait vivre, et percevoir néanmoins la voix de cette vie dans le grondement des flots, le souffle de l’air, le passage des nuages, le cri solitaire des oiseaux. Il faut pour cela une exigence du cœur et cette déception que, pour m’exprimer ainsi, la nature vous inflige. Mais tout cela est impossible devant le tableau, et ce que je devais trouver dans le tableau lui-même, je ne le trouvai qu’entre moi et le tableau, à savoir une exigence adressée par mon cœur au tableau et une déception que m’infligeait le tableau. Je devins ainsi moi-même le capucin, le tableau devint la dune, mais l’étendue où devaient se porter mes regards mélancoliques, la mer, était totalement absente. »
tableau :
Empfindungen vor Friedrichs Seelandschaft.
"Herrlich ist es, in einer unendlichen Einsamkeit am Meeresufer, unter trübem Himmel, auf eine unbegränzte Wasserwüste, hinauszuschauen. Dazu gehört gleichwohl, daß man dahin gegangen sei, daß man zurück muß, daß man hinüber mögte, daß man es nicht kann, daß man Alles zum Leben vermißt, und die Stimme des Lebens dennoch im Rauschen der Fluth, im Wehen der Luft, im Ziehen der Wolken, dem einsamen Geschrei der Vögel, vernimmt. Dazu gehört ein Anspruch, den das Herz macht, und ein Abbruch, um mich so auszudrücken, den Einem die Natur thut. Dies aber ist vor dem Bilde unmöglich, und das, was ich in dem Bilde selbst finden sollte, fand ich erst zwischen mir und dem Bilde, nehmlich einen Anspruch, den mein Herz an das Bild machte, und einen Abbruch, den mir das Bild that; und so ward ich selbst der Kapuziner, das Bild ward die Düne, das aber, wo hinaus ich mit Sehnsucht blicken sollte, die See, fehlte ganz."