Aymé, Maison basse Pléiade t. 2 p. 201 :
« Ses yeux furent bientôt rassasiés et son nez devint attentif. Il régnait dans ce fond de cour une mauvaise odeur qui lui était inconnue et qui l'étonnait. Elle n'avait pas la richesse des émanations ammoniacales qui refluaient parfois jusque dans son arrière-boutique, quand les cabinets du voisinage, à la faveur d'une dépression atmosphérique, se prononçaient décidément. Elle était très loin de l'odeur de la misère, qui est un concours d'exhalaisons, auquel fournissent les moindres objets, une somme où dominent le gras de cuisine, le bois gâté, et la vieille literie. Elle n'avait non plus rien de commun avec l'aigre fumet de vieille femme et de moisissure, qui flotte dans les vieilles maisons bourgeoises de Paris. C'était une puanteur triste, insuffisante, comme si les déchets qui l'alimentaient eussent été eux-mêmes incomplets. Indécises, les émanations ne se composaient pas, étaient dépourvues d'harmonie, de solidarité. C'était une puanteur manquée, sans même une affirmation d'anarchie, et qui inquiétait le nez d'un homme sociable par tout ce qu'il y sentait d'irréalisé et de chaotique. On ne savait pas de quelle narine renifler, gêné qu'on était à se demander même si ces senteurs concernaient bien l'odorat. Jalamoi qui se flattait d'avoir le nez fin et façonné aux complexes les plus redoutables, se trouvait tout à fait dérouté. »